Lors du salon PharmagoraPlus qui s’est déroulé à Paris, en 2017, les résultats d’une enquête*, réalisée auprès de 4 043 personnes sur leur consommation de médicaments, ont été publiés.

La conclusion est sans appel : 57 % des Français consomment au moins un médicament par jour. Autre chiffre significatif : 90 % des consultations médicales en France donnent lieu à une prescription médicale contre 45 % aux Pays-Bas.

Lorsque l’on connaît les résultats de l’étude* menée par le magazine 60 millions de consommateurs sur les dangers de certains médicaments vendus sans ordonnance, nous sommes en droit de nous interroger.

La revue indépendante « prescrire » publie également une liste annuelle des médicaments « plus dangereux qu’utiles ». En 2018, une liste de 90 médicaments, déclarés dangereux, a été publiée.

Et c’est sans compter les scandales sanitaires…

Alors, sommes-nous véritablement accros ? Est-il dangereux aujourd’hui de prendre un médicament ? Peut-on encore croire en la médecine ? La consommation de médicaments en France

En octobre 2017, la ministre de la Santé Agnès Buzyn énonçait : « Notre pays est étonnant, à la fois il y a une immense défiance, et à la fois nous sommes le pays d’Europe qui consomme le plus de médicaments. »

Cependant, dans son dernier panorama de 2015, l’O.C.D.E. situe la France dans la moyenne de ses voisins : tout dépend du type de médicament. Ces derniers chiffres signifieraient que nous avons progressé. Mais, d’après ce même organisme, ce n’est pas la France qui a réduit sa consommation, ce sont les autres pays qui ont augmenté la leur.

Quels que soient les classements, il n’en demeure pas moins que la surconsommation de médicaments (surmédication) est phénomène qui ne peut être nié. Déjà, en 2010, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rapportait que 50 % des médicaments n’étaient pas prescrits, ni délivrés ou ni vendus comme il convient. Les médicaments les plus consommés

Pour ce qui concerne les médicaments les plus consommés, les différentes sources s’accordent pour établir le podium suivant :

   Les antidouleurs.
   Les antibiotiques.
   Les psychotropes.

Selon le site doctissimo, les 5 médicaments les plus prescrits sont : Doliprane®, Efferalgan®, Dafalgan®, Levothyrox® et Imodium®. Le cas des antidépresseurs et des psychotropes plus généralement

Bien que l’on constate une stabilisation de la consommation d’antidépresseurs en France, les chiffres demeurent faramineux : plus de 4 millions de Français en consomment toute l’année, soit près de 8 % de la population âgée de plus de 18 ans… !

Pour l’ensemble des psychotropes (anxiolytiques, antidépresseurs, hypnotiques, neuroleptiques…), ce pourcentage atteint 25 % de la population. Le marché juteux des médicaments

Le marché des médicaments est un marché florissant qui a encore de beaux jours devant lui. Les progrès scientifiques, le vieillissement de la population, les modes de vie… font que la hausse de l’offre et de la demande n’est pas là de s’arrêter.

En 2016, ce secteur a enregistré un chiffre d’affaires de 1 045 milliards d’euros au niveau mondial. Et, l’IFPMA (Fédération internationale de l’industrie du médicament) prévoit une hausse de 400 milliards d’euros d’ici 2021.

En France, le remboursement des visites chez les médecins et les spécialistes, le remboursement de médicaments sous ordonnance, la « gratuité » des médicaments à l’hôpital, l’automédication, la possibilité d’acheter des médicaments en ligne avec et sans ordonnance… sont autant d’éléments qui contribuent à la consommation ! Et, de plus en plus, à la surconsommation ! La surconsommation de médicaments

Les seniors de plus de 65 ans sont particulièrement touchés par ce phénomène de surconsommation. Selon le magazine 60 millions de consommateurs, 37 % de cette population prend au moins sept médicaments différents, voire quatorze !

L’Assurance maladie a recensé, en 2016, 130 000 hospitalisations et 7 500 décès par an liés à la surmédicamentation des plus 65 ans.

La surconsommation ne touche malheureusement pas que les seniors. Prendre ou donner un médicament, s’automédiquer … sont devenus des actes anodins pour beaucoup d’entre nous.

Et, pourtant les risques ne sont pas à négliger Pour ce qui concerne l’automédication

Parmi les médicaments recensés dans la liste noire citée en introduction, on trouve des marques très connues : Actifed®, Dolirhume®, Doliprane® et Nurofen® par exemple.

La surconsommation d’antalgiques peut conduire non seulement à des addictions mais aussi à des empoisonnements, des allergies et/ou à de graves insuffisances rénales. Pour ce qui concerne les antidépresseurs

Concernant l’efficacité des antidépresseurs, les avis divergent. Si leur efficacité a été prouvée pour des pathologies psychiatriques très lourdes, pour Luc Périno, penseur de la médecine, les antidépresseurs ne sont pas seulement inefficaces, ils sont dangereux : « Les antidépresseurs sont des médicaments inutiles ou dangereux dans le traitement de la grande majorité des dépressions majeures et mineures.

Ils ont pour particularité d’aggraver les dépressions, de provoquer des addictions, d’aggraver les troubles bipolaires et de majorer le taux de suicide, particulièrement chez les adolescents.

Les antidépresseurs ont été découverts, il y a un demi-siècle, et dans les pays où ils sont utilisés, le taux de suicide a augmenté de 60 %. »

D’autant que…

Pour de nombreuses pathologies, les médicaments (et notamment les antalgiques qui sont les plus vendus) soulagent les symptômes, mais ne traitent pas la cause.

Sans compter les médicaments qui ont fait l’objet de véritables scandales sanitaires

   Le Distilbène®
   Le Médiator®
   Et très récemment, la Dépakine® et le Levothyrox®

Ou ceux qui sont inefficaces ou dangereux à court terme ou sur le long terme

Citons le cas très récent des médicaments contre la maladie d’Alzheimer qui ne seront plus remboursés : selon la ministre de la Santé (mai 2018) : « ils sont non seulement inefficaces mais aussi dangereux.»

Citons également les antibiotiques pour lesquels une consommation régulière entraîne une résistance donc une inefficacité. Que conclure ?

Tout d’abord, il faut éviter les amalgames. Si l’on n’y fait pas bien attention, on pourrait croire que les médicaments sont plus dangereux qu’efficaces. Certains sont efficaces, d’autres non. C’est avant tout une question de responsabilité collective :

   Responsabilité des pouvoirs publics qui, par exemple dans le cadre de l’automédication, devraient mettre en place des programmes d’information voire de formation des individus.
   Responsabilité des laboratoires pharmaceutiques qui, ne nous le cachons pas, en tirent des bénéfices faramineux.
   Responsabilité des médecins qui, pour certains, prescrivent « à la demande ».
   Responsabilité individuelle : tout un chacun devrait s’interroger sur son comportement face à sa consommation. Irions-nous aussi souvent chez le médecin et le pharmacien si ces prestations n’étaient pas remboursées ? Sommes-nous conscients des risques que nous encourons ?

Alors bien sûr qu’il faut croire à la médecine ! mais, de plus en plus, la modération et la prudence s’imposent.

  • Étude réalisée par Opinion Way


** Étude conduite sous le contrôle du professeur Jean-Paul Giroud, pharmacologue clinicien, membre de l’Académie de médecine, et Hélène Berthelot, pharmacienne.